Axes

Le colloque sera organisé autour de trois axes, déclinant, directement ou indirectement, le lien entre culpabilité et (in-) action, comme indiqué dans l'appel à communications.

  • Axe 1: L’injustice sociale à l’épreuve de la culpabilité

    Dans cet axe, nous nous intéresserons aux enjeux des inégalités sociales et de l’injustice sociale. Vaste sujet qui se décline à l’envi, aussi bien en termes d’inégalités de conditions de vie, de revendication d’égalité (au moins dans le sens de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, c’est-à-dire comme égalité en droit et en dignité), qu’en termes de différenciation socio-culturelle.

    Se sentir coupable d’être plus aisé, pour faire simple, revient à poser les principes de justification des inégalités sociales dans le monde globalisé que nous connaissons aujourd’hui où les écarts entre riches et pauvres s’aggravent, et où ces écarts conduisent à des pratiques de déshumanisation de l’Autre.

    Cet axe de l’injustice sociale rend compte de l’interrogation suivante, mais à titre individuel : qu’est-ce qui est moralement acceptable en termes d’inégalités sociales ? Autrement dit, qu’est-ce qui, aux yeux de chaque membre de la communauté humaine, peut justifier l’intolérable des pires conditions d’existence de certains membres de la communauté humaine (comme pour exemple, les conditions d’existence des victimes du trafic humain) ?

    L’enjeu est ici démultiplié notamment dans le cadre des pluralismes culturels vus comme incommensurables. Aussi, que dire de l’exploitation des enfants et des adultes, inscrite dans des logiques d’asservissement pour dettes, quand in fine cette exploitation traduit une tradition (issue de la religion) ? De même, que dire de la revendication de justice sociale face aux enjeux de la réduction identitaire (volontaire ou non) versus face aux enjeux de la complexité de la notion d’appartenance et d’identité ?

    Autant de questions rapidement écrites qui ouvre sur le champ miné des inégalités sociales… et des politiques sociales, vues comme tentative collective de réparation du non-réparable, comme tentative de construction d’institutions justes dans un monde d’injustice. 

  • Axe 2: L’aide humanitaire / l’aide au développement à l’épreuve de la culpabilité.

    Dans cet axe, nous nous intéresserons aux enjeux de l’aide, vue comme réponse à une culpabilité.

    Nous interpellerons ainsi les modalités de ce que certains appellent une vocation, d’autres une mission, dans la droite ligne des missions religieuses qui sont venues en aide aux plus démunis dans le monde. Ici ce sont donc les principes de justification de l’aller-vers qui seront l’objet de notre analyse, avec l’hypothèse selon laquelle l’une des justifications principales reste la culpabilité de vivre dans un monde privilégié ou d’appartenir à un monde privilégié. Ainsi, au vu des images d’extrême-pauvreté, la culpabilité contient-elle un ressort émotionnel suffisant pour s’engager pour les Autres, et surtout pour tous les Autres ? Ou au contraire, la culpabilité, si elle constitue une hypothèse plausible, comme ressort de l’action humanitaire (autre que l’humanitaire d’urgence), ne se présente-elle pas à géométrie variable, sélectionnant les causes et les personnes ? De même, et toujours si nous acceptons cette hypothèse de la culpabilité comme ressort de l’action, n’y a-t-il pas en arrière-plan une tentative de réparation d’ue faute commise par un système organisé autour du monde de l’argent et du pouvoir ?

    L’idée dans cet axe vise à mieux saisir les enjeux complexes de l’aide (aide humanitaire ou aide au développement) en termes d’engagement, dans un monde qui aujourd’hui se caractérise par une multiplicité de causes et de défis. Sous-jacente donc à cet axe, l’idée selon laquelle ne pouvant pas aider toutes les causes, qu’est-ce qui oriente vers telle ou telle autre cause ? Et donc faut-il imaginer une culpabilité post-it qui nous inciterait à agir (ré-agir) pour des "causes qui nous parlent", délaissant ainsi d’autres causes mis photogéniques, moins médiatiques, moins émotionnelles, etc. ?

  • Axe 3: L’inaction à l’épreuve de la culpabilité.

    Dans cet axe, nous nous intéresserons aux conditions de possibilité pour agir à tout instant de manière éthiquement responsable.

    Rappelons-nous cette incise de Primo Levi « chacun de nous peut potentiellement devenir un monstre ». Les crimes contre l’humanité du XXème siècle ont montré avec une acuité certaine l’extrême facilité avec laquelle la société s’est désintégrée littéralement au niveau moral et l’extrême facilité avec laquelle les membres de la société ont abdiqué leur capacité à penser critique, leur faculté éthique de juger. L’idée même d’être un simple rouage d’une machine qui nous dépasse pose la question des conditions de l’acceptation d’être un rouage, avec comme idée sous-jacente celle de la volonté morale, voire de la faiblesse de la volonté, celle du consentement libre et éclairé (notamment dans des espaces démocratiques). N’être qu’un rouage dédouane ainsi d’une responsabilité individuelle, en considérant que, de toute façon, le rôle dévolu aurait été joué d’une manière ou d’une autre. De là une volonté de se cacher derrière l’idée d’impuissance. En même temps, ne sommes-nous pas responsables à titre individuel de ne pas agir, et donc coupables du non-acte, notamment quand ne pas agir revient à accepter l’inacceptable, donc à le légitimer ? Une sorte de culpabilité de non-assistance à personne en danger !