Conférence de Marc LORIOL : "Nouveaux rapports au travail ou désinstitutionalisation des activités productives ?"

Le travail a longtemps été considéré comme une institution centrale des sociétés industrielles, « grand intégrateur », instance de socialisation et de régulation, substrat des identités collectives. Étayé par les syndicats, les partis politiques, l’État mais aussi par des formes de compromis implicites et des conflits structurants, le travail façonnait les rôles et identités sociales, offrait des places plus ou moins valorisées, lisibles et compréhensibles.

À partir de l’étude du travail dans deux usines issues du groupe Japy, Marc Loriol va dans un premier temps montrer ce qui a changé dans les relations sociales et le rapport au travail ouvrier des années 1970 aux années 2010 et comment, malgré des efforts indéniables en fin de période sur l’ergonomie des postes, la pénibilité et la perte de sens se sont imposées dans l’expérience des ouvrier·ières vieillissant·es comme des nouveaux et nouvelles arrivant·es.

Puis, dans un second temps, il s’agira d’élargir la réflexion par une analyse critique des discours, depuis les années 2000, sur le supposé changement du rapport au travail des nouvelles générations. Les X, les Y puis maintenant les Z ont été tour à tour accusés de ne plus sacraliser le travail, de ne plus valoriser l’entreprise ni respecter les hiérarchies. Bien que sans-cesse répétées, ces affirmations sont largement remises en causes par les études empiriques. Ce ne sont pas les jeunes qui ont changé, mais le travail. Les nouveaux et nouvelles entrant·es doivent trouver leur place, construire un projet professionnel, se socialiser au sein de collectifs. Mais le passage par des périodes de précarité, de statuts spécifiques dévalorisés, les discours sur la mobilité comme valeur en soi, la fragilisation des collectifs de travail, etc., rendent cette étape de plus en plus délicate, notamment pour les moins diplômé·es. Les rapports différenciés des jeunes au travail sont donc de bons révélateurs des évolutions en cours du travail et de l’emploi.

 

Marc LORIOL est sociologue et directeur de recherche CNRS (IDHES - Institutions et Dynamiques Historiques de l’Économie et de la Société - Paris 1, Panthéon-Sorbonne).

Loriol, M. (2021), Les vies prolongées des usines Japy. Le travail ouvrier à Beaucourt de 1938 à 2015, Editions du Croquant, col. « Témoignages », 296 p.

Loriol, M. (2019, sous dir.), Stress and suffering at work - the role of culture and society, Palgrave Macmillan, 219 p.

Loriol, M. (2022), "Le « beau travail », une revendication ouvrière trop souvent oubliée", The Conversation : https://theconversation.com/le-beau-travail-une-revendication-ouvriere-trop-souvent-oubliee-173446

Loriol, M. (2022),"La notion de « génération Z » entrave l’intégration des jeunes", The Conversation : https://theconversation.com/la-notion-de-generation-z-entrave-lintegration-des-jeunes-sur-le-marche-du-travail-192875

Loriol, M. (2021), "Ambivalences et paradoxes de la passion pour son travail", Les mondes du travail.net : https://lesmondesdutravail.net/ambivalences-et-paradoxes/